Rue de la République, les commerces restent en carton

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le 22 Oct 2015
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L'association des commerçants de la rue de la République lance sa deuxième campagne d'animation. Mais alors qu'une partie du patrimoine a changé une nouvelle fois de main, bien des pieds d'immeubles restent désespérément vides derrière des devantures Potemkine.

Rue de la République, les commerces restent en carton
Rue de la République, les commerces restent en carton

© Benoît Gilles

Sur le dépliant bien rose de l’association de commerçants de la rue de la République, l’artère haussmannienne a presque l’air d’être le temple du shopping comme la rêvent la Ville, Euroméditerranée et les investisseurs qui la possèdent. On en oublierait presque les vitrines en trompe-l’œil et le gris des rideaux de fer baissés qui font la réalité de la rue. Le rose commercial ne parvient pas à masquer l’échec de la commercialisation des pieds d’immeubles, laissant une impression de ville fantôme où les clients sont peints sur des devantures toutes aussi factices.

Les deux entités en charge de la commercialisation, les propriétaires ANF et Atemi, racheté il y a peu par le fonds allemand Freo, font l’autruche. D’ailleurs, personne n’est venu les défendre lors de la petite conférence de presse que la Ville organisait sur place, ce 21 octobre.

“Dans le triangle d’or”

Il n’aura pas fallu longtemps pour le rose vire au gris. L’adjointe au commerce Solange Biaggi évoque la localisation de la rue dans le “triangle d’or du triptyque tourisme, culture, commerce” et remercie les investisseurs. Les quelques commerçants présents l’écoutent patiemment.

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En bleu : les commerces actuellement occupés, en rouge les devantures factices, en orange les rideaux de fer récemment tirés

Mais à la première prise de parole, le doux mirage tombe. “Le fait que le linéaire marchand ne soit pas complet nous pose évidemment un problème”, explique timidement le président de l’association des commerçants Alexandre Seddik. D’autres diront plus directement leurs difficultés à payer chaque mois le loyer et accusent leurs propriétaires, ANF et Atemi, de les étrangler. “Mon loyer était de 16 000 euros annuels en 2008, il est aujourd’hui de 35 000 euros et il devrait passer l’année prochaine à 47 000 euros”, témoigne Reda Mera, patron du restaurant Le Perroquet Bleu, situé sur le boulevard des Dames à proximité de la République.

Son propriétaire, Atemi, ne confirme pas l’information. Personne n’est officiellement présent dans la salle ni chez Atemi ni chez ANF. Le premier est pourtant indirectement représenté par Convergences Gestion, la société à qui elle a confié il y a un an l’animation de la Rue de la République. Mais alors que tous les reproches se concentrent sur cet opérateur immobilier, qui possède le plus de locaux vacants, le représentant se gardera bien d’intervenir.

De nouveaux rideaux tombent (en orange sur notre infographie ci-contre) et bien des commerçants de la rue affirment être sur le fil du rasoir. L’annonce par un d’entre eux du départ de trois nouvelles enseignes, dont Sephora (non confirmé par le propriétaire), embarrasse encore un peu plus les élus à qui il est reproché de ne pas avoir fait pression sur les investisseurs sur le prix des loyers. “Ce n’est pas qu’une question de facteur prix, défend Solange Biaggi. On est partis de rien. C’est la loi du marché”. Face aux très nombreux commerces vides, la mairie refuse de considérer qu’il y a un dysfonctionnement dans la commercialisation ou le positionnement de la rue.

17% de vacances en 2001

Même sur les chiffres, la bataille bat son plein : tandis que la ville brandit celui de 65 % de commerces occupés, Centre-Ville pour tous (CVPT) avance un ratio de seulement 45 %. Au terme d’une enquête de terrain de plusieurs mois, l’association met ce chiffre en parallèle avec les 17 % de commerces inoccupés en moyenne en 2001. Depuis, les chaines et les devantures en carton ont remplacé les petits commerces. Couscous, salon de thé, bars, prêt-à-porter, interim : le travail photographique de Martine Derain et Stefanos Magriotis pour CVPT donne à voir la diversité ces derniers. Aujourd’hui, la répartition de la vacance par propriétaire, visible sur ce graphique, fait clairement apparaître les difficultés d’Atemi.

12115770_430510703826572_8340016213709363682_nIl faut dire qu’Atemi possède une bonne part du tronçon 2, le plus difficile à commercialiser. L’inoccupation est concentrée dans cette partie centrale de la rue, tandis que les extrémités, Vieux Port et Joliette, séduisent les franchises et commerces de bouche. Mais même pour ces deux zones, rien n’est gagné. Alors que la rue de la République se voulait le lien entre le centre-ville et les Terrasses du Port, elle se retrouve désertée car peu accueillante. Les passages de biens de main en main continuent quant à eux à se multiplier. La dernière en date est le rachat fin septembre du parc d’Atemi par le fonds allemand Freo, basé au Luxembourg. Les devantures potemkine risquent de rester encore quelques années.

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Commentaires

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  1. Lagachon Lagachon

    Est-ce que Madame Biaggi se rend compte de ce qu’elle dit ? Il faut quand même oser sortir “C’est la loi du marché” à des commerçants qui sont en difficulté quand on est responsable d’une politique interventionniste dans l’ouverture de surfaces commerciales.

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      J’ajoute que la “loi du marché” dit exactement le contraire de ce qu’affirme Mme Biaggi, puisqu’en théorie, elle aboutit à un ajustement de l’offre et de la demande. Lorsqu’on constate un taux d’inoccupation de 35 % ou de 55 % (selon les sources), ce n’est pas la “loi du marché” qui s’applique, sinon les loyers baisseraient pour refléter la réalité du potentiel commercial de la rue.

      C’est vraiment dommage que tant d’élus n’aient aucune connaissance en économie (et souvent guère plus de connaissance des dossiers qu’ils devraient potasser).

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  2. leravidemilo leravidemilo

    ” Ici, très prochainement, et depuis déjà quelque temps, votre espace…”Ah La rue dite de la Res publica, le sommun de la gestion urbanistique visionnaire de la Gaudinesque équipe, et de la “Ville de demain” qu’ils nous mitonnent… La main invisible du marché a encore foiré, sauf bien sur pour ce qui est d’écraser comme des moustiques les petits commerces de proximité d’avant, et de faire les poches des nouveaux venus et autres franchisés…qui n’en peuvent, mais. Quand à Mm Biaggi, cela fait déjà un certain temps qu’on s’était rendu compte qu’elle ne se rendait pas vraiment toujours compte de ce qu’elle disait… J’ai personnellement l’impression ,de plus en plus marquée, que bon nombre de Marseillais boycottent en quelque sorte mentalement, “affectivement”, cette partie de la ville qu’ils ne reconnaissent plus, qu’ils n’intègrent plus dans leur représentation de “leur” ville. Pour moi, c’est comme qui dirait le le triangle des bermudes commerce, tourisme, commerce.

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  3. Trésorier Trésorier

    La commercialisation de cette rue est clairement un échec. Des commerces ferment. Le standard des commerces est assez bas de gamme. La partie sans tram, vers le Vieux Port, est l

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  4. Trésorier Trésorier

    La commercialisation de cette rue est clairement un échec. Des commerces ferment. Le standard des commerces est assez bas de gamme. La partie sans tram, vers le Vieux Port, est la plus dynamique. On pouvat espérer que l’arrivée du Monoprix attire autour de lui en partie centrale. La rue est trop béton, automobile. Pas d’arbre, peu de cafés et restaurants attractifs. Une rue ou on passe vite, quand on y passe.

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